<img alt="" src="https://secure.page1monk.com/206173.png" style="display:none;">
Talking Telematics: the show dedicated to connected insurance and smartphone telematics

Talking Telematics #1: Jeunes VS Expérimentés, qui sont les conducteurs les plus distraits?

04/12/2023 • Valentin Juillard

Talking Telematics est une série d'entretiens entre Philippe Moulin, Directeur Général de DriveQuant, et des experts de l'assurance. Tous les sujets abordés dans ces entretiens sont exclusivement liés à la télématique et aux avantages de la technologie pour le secteur de l'assurance automobile.

L'interview qui suit est la transcription d’un podcast interne de SCOR. Les deux intervenants sont Graham Johnston, Global Product and Innovation Manager chez SCOR, et Philippe Moulin, Directeur Général de DriveQuant. La transcription a été éditée pour faciliter la lecture.

 

Graham : Bonjour à tous. Je suis Graham Johnston, Global Product and Innovation Manager chez SCOR. Au cours des derniers mois, j’ai travaillé en étroite collaboration avec Philippe et son entreprise pour développer un partenariat qui aidera les commerciaux de SCOR à proposer des solutions télématiques à leurs clients. Philippe, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Bien sûr. Bonjour à tous. Donc moi c’est Philippe. Je suis ingénieur et titulaire d'un doctorat en mathématiques appliquées. J’ai un parcours plutôt technique. J'ai notamment travaillé pour un institut de recherche appelé IFPEN en France qui est spécialisé dans l’automobile. J'ai fondé DriveQuant en 2017 alors que je travaillais sur un produit d’analyse des données de conduite afin de promouvoir l’écoconduite auprès du grand public.
Aujourd'hui, DriveQuant se concentre sur le secteur de l'assurance automobile. Nous aidons les assureurs à lancer des programmes d’assurance connectée basés sur la télématique smartphone. Concrètement, notre solution utilise les capteurs des smartphones pour collecter les données de conduite et pour coacher les conducteurs afin de faire de la prévention.

Graham : C’est super, merci Philippe. DriveQuant a deux objectifs et les deux visent à aider les assureurs. Le premier objectif de ton entreprise consiste à améliorer la sécurité routière et le second à réduire l’impact environnemental de la mobilité. Ces deux objectifs sont évidemment liés. Nous avons passé beaucoup de temps à en discuter ensemble. Dans cette première partie, je souhaite qu’on se concentre uniquement sur la sécurité routière. Et en particulier sur la distraction au volant qui est devenue un sujet très important dans le monde de l’assurance au cours des quatre, cinq dernières années.

SCOR vient de publier une étude qui contient des statistiques qui montrent que les consommateurs du monde entier citent « la distraction » comme le premier facteur du risque routier. Cela peut sembler anodin, mais il est intéressant de constater que nous observons cette tendance dans le monde entier. Philippe, ton entreprise DriveQuant a publié récemment un rapport sur la distraction au volant. Peux-tu nous en dire plus ?

Alors, ce qu’il faut savoir en préambule c’est que la télématique smartphone permet de mesurer l’usage du téléphone. Bien entendu, la distraction au volant peut prendre de nombreuses formes. Dans notre rapport, nous nous concentrons uniquement sur l’utilisation des smartphones au volant c'est-à-dire lorsqu’un conducteur utilise son téléphone pour passer un appel, ouvrir une application ou envoyer un texto. Dans ce genre de situation, le conducteur est distrait car il ne regarde pas la route, il est moins attentif aux bruits environnants, ses mains ne sont pas sur le volant et enfin son cerveau n’est pas focalisé uniquement sur la conduite. Tous ces facteurs sont générateurs d’accidents qui pourraient être évités.

Graham : Très bien. Philippe, qu’est-il possible de faire pour changer ces mauvaises habitudes ? Est-ce qu’il y a un moyen de pousser les gens à mieux conduire ?

J’en suis convaincu. Mais soyons honnêtes. Changer les habitudes de conduite est difficile : c’est un travail de longue haleine qui ne peut pas être réalisé uniquement à l’aide d’une application. Personne ne change du jour au lendemain ses habitudes de conduite parce qu’une application le recommande. Ce qu’il faut, et c’est ce que nous essayons de faire, c’est trouver les bons facteurs de motivation et montrer aux conducteurs les informations les plus pertinentes pour les inciter à adapter leur manière de conduire. La première étape consiste donc vraiment à collecter, analyser et comprendre les données pour identifier les différents styles de conduite.

C’est ce que nous avons fait dans notre étude. Nous avons collecté et analysé les données de conduite de plus de 8 000 conducteurs français sur une période de six mois. Ces conducteurs sont des vrais conducteurs qui utilisent notre solution. Ce que nous avons fait, c'est que nous avons divisé ces conducteurs en deux groupes différents. Le groupe A est composé uniquement de jeunes conducteurs ayant obtenu leur permis de conduire il y a moins de 4 ans. Le groupe B est plus diversifié: il est composé d'individus de tranches d’âge différentes et qui sont plus expérimentés au volant. Nous avons étudié les différences de comportement au volant entre les deux groupes.

Graham : Tout ce que tu viens de dire souligne la puissance de la technologie smartphone. Si j’ai bien compris, vous avez donc créé deux groupes : un groupe composé uniquement de conducteurs jeunes et donc plutôt nerveux derrière le volant, et un second groupe composé d'individus de toutes tranches d'âge et plus expérimentés. Vous avez ensuite comparé les habitudes de conduite des deux groupes en vous basant sur un volume de données très conséquent. Peux-tu nous dire quels sont les indicateurs que vous avez utilisés pour mesurer l’utilisation du smartphone au volant ?

Comme je l’ai dit précédemment, la télématique smartphone permet de mesurer de nombreux indicateurs. Nous avons choisi de nous concentrer sur la durée et la fréquence des appels téléphoniques ainsi que sur la fréquence des déverrouillages. Nous évaluons la fréquence de déverrouillage en mesurant les variations de luminosité de l'écran. Lorsque la luminosité change alors que le véhicule est en mouvement, cela signifie que le conducteur déverrouille son téléphone pour ouvrir une application mobile, pour lire ou écrire un message ou encore pour passer un appel. Nous avons mesuré la fréquence de ce phénomène par heure de conduite, pour 100 kilomètres et pour dix trajets. Concernant les appels téléphoniques, nous avons procédé de la même manière. Nous avons calculé le nombre de minutes passées en communication pour une heure de conduite et pour 1 000 kilomètres.

Graham : Ok. Procédons étape par étape. Commençons par les appels téléphoniques. Quelles sont les principales conclusions de l’étude concernant les appels téléphoniques en voiture ?

Nous avons constaté que les conducteurs du groupe B, qui est constitué de conducteurs expérimentés, ont des comportements de conduite plus à risque que leurs homologues du groupe A, qui ne comprend que des jeunes conducteurs. Ainsi, 80 % des conducteurs du groupe B n’utilisent pas le système Bluetooth de leur véhicule pour leurs appels, contre 50 % des conducteurs du groupe A. Si l’on compare la durée moyenne des appels téléphoniques, nous constatons une fois de plus que les conducteurs du groupe B passent en moyenne trois fois plus de temps au téléphone que les jeunes conducteurs du groupe A. En moyenne, les conducteurs du groupe B passent ou reçoivent un coup de fil une fois tous les vingt kilomètres. C'est quatre fois plus que le groupe A !

Graham : C'est vraiment fascinant tout ce que tu nous dis là. On se rend compte que la télématique smartphone permet de révéler les véritables comportements de conduite. Et en plus, c’est assez peu intrusif car c’est sur le smartphone que ça se passe. D’un point de vue plus personnel, quelle a été la découverte la plus surprenante ?

Je pense que c’est sans doute le fait que la plupart des conducteurs n’utilisent pas le système Bluetooth de leur voiture pour leurs appels. Et aussi le fait que la majorité des appels téléphoniques sont à l’initiative des conducteurs. Ca peut paraître surprenant et pourtant : la cause de la distraction ne provient pas d’un facteur extérieur, vous recevez un appel, mais d’une décision intentionnelle des conducteurs, vous passez un appel. Il n’y a pas d’excuse car c’est alors une décision délibérée du conducteur. C’est très intéressant car  cela révèle la façon dont certains conducteurs conduisent réellement. Et avec ces éléments, il est possible d’agir pour prévenir ces comportements à risque. 

Graham : Justement. Grâce à ces données, les assureurs peuvent organiser des programmes de prévention pour inciter leurs clients à utiliser le système Bluetooth de leur véhicule. Ils apprennent quelque chose sur le risque routier de leurs clients qu’ils ne connaissaient pas. Passons maintenant à un autre aspect de la distraction : les déverrouillages du téléphone. Quelles sont les enseignements de l’étude à ce sujet ?

Concernant les déverrouillages, s’ils sont très fréquents, c’est signe d'un conducteur distrait. Grosso modo, le conducteur pense à autre chose tout en conduisant. Dans notre étude, le groupe A, celui des jeunes conducteurs, présente un comportement de conduite globalement plus sain, ce qui est quand même surprenant. Les conducteurs du groupe B déverrouillent environ deux fois plus souvent leur téléphone que le groupe A. Environ huit fois tous les 100 kilomètres. Sur 10 trajets, tous les conducteurs du groupe B déverrouillent également leur téléphone au moins une fois par trajet. Cette performance, si on peut l'appeler ainsi, n'est réalisée que par le troisième quartile des conducteurs groupe A.

Dans le groupe A, 10 % des conducteurs ne déverrouillent jamais leur téléphone alors que seulement 2 % des conducteurs du groupe B ne le déverrouillent jamais. C’est une sacrée différence. Alors oui, on peut estimer qu’un rapide coup d’œil à son téléphone n’est pas très grave. Mais la réalité est que cela augmente considérablement le risque d’accident. Pour rappel, si vous regardez votre smartphone pendant 2 secondes en roulant à 20 km/h, vous parcourez une distance de près de onze mètres sans regarder la route. Lorsque vous roulez à 130 km/h, regarder son téléphone pendant 2 secondes revient à parcourir 72 mètres sans regarder la route ! Cela a un impact énorme en termes de sécurité routière et peut avoir des conséquences désastreuses.

Graham : Cela me fait penser à une campagne de sécurité routière diffusée ici au Royaume-Uni. Elle met en avant que la vitesse tue bel et bien et que plus on conduit vite, plus la distance parcourue est importante et plus les dégâts en cas d’accident peuvent être importants. Philippe, allons encore plus loin. Je crois savoir que vous avez également comparé les comportements de conduite en ville et ceux sur autoroute. Qu’avez-vous trouvé ?

Eh bien, l'utilisation du téléphone au volant est plus courante dans les zones urbaines où les gens conduisent plus lentement, à des vitesses inférieures à 30 km/h. C’est vrai pour les deux groupes de conducteurs. Nous avons également constaté que les conducteurs sont moins prudents dans les zones urbaines, ce qui est probablement dû à une perception moindre du risque. Je vis en zone urbaine, je suis donc témoin tous les jours de ces comportements à risque. Le contexte urbain minimise certes les risques de dommages pour le conducteur et la voiture, mais ce sont les autres usagers de la route comme les piétons, les motards et les motos qui sont mis en danger.

Pour rappel, 74 % des accidents mortels se produisent lors de trajets courts ou quotidiens. Réduire l'utilisation du téléphone est donc un enjeu sociétal, c’est prendre soin et protéger les personnes qui nous entourent et pas seulement le conducteur dans la voiture. D’ailleurs, il faut souligner que même l'utilisation du smartphone lorsque le véhicule est à l'arrêt, à un feu rouge ou à un stop, est interdite et peut être dangereuse.

Graham : Tous ces résultats sont passionnants et soulèvent beaucoup de questions. Terminons notre discussion du jour en parlant des actions possibles pour les compagnies d'assurance. Comment peuvent-elles utiliser ces données de conduite issues des smartphones pour promouvoir une conduite plus responsable et améliorer leurs produits et services ? Parce que la distraction au volant est clairement un problème que nous devons éradiquer et les assureurs ont un vrai rôle à jouer.

En effet. Les données télématiques doivent servir de levier aux assureurs et plusieurs types d’actions peuvent être envisagés. Dans un premier temps, il est possible de mieux pricer le produit d’assurance auto en fonction des profils de risque identifiés. Comme je le disais plus tôt, il est possible d’identifier des groupes de conducteurs ayant des comportements très différents. Les assureurs peuvent donc adapter le prix de leurs produits pour mieux refléter le niveau réel de risque de leurs portefeuilles clients.

Par ailleurs, les données télématiques permettent de lancer des programmes de prévention. La prévention est primordiale. Il faut sensibiliser en toute transparence les conducteurs aux dangers de leur conduite. Les données peuvent être utilisées pour partager des conseils et des messages de prévention sur-mesure et adaptés au style de conduite du conducteur. C’est pertinent dans le cadre de challenges de conduite par exemple. Les assureurs peuvent organiser des challenges pour promouvoir une conduite plus durable et plus sûre. 

Pour terminer, grâce à la télématique smartphone, les assureurs peuvent lancer des produits d'assurance connectés de type Pay-As-You-Drive et Pay-How-You-Drive. Ils peuvent même les combiner avec la prévention.

Les cas d’usage sont très intéressants pour les assureurs car cela leur donne la possibilité de mesurer la distraction de leurs clients mais aussi de définir le profil de risque moyen de leur portefeuille et de proposer de nombreux services connectés complémentaires parmi lesquels le coaching et la détection d'accident. Tout cela profite aux assureurs, aux conducteurs et, à terme, à la sécurité routière. C’est la mission qui nous guide chez DriveQuant.

Graham : Eh bien, merci Philippe. Merci tout le monde!